— Maître, je constate que je passe ma vie accablé(e) de peurs, de doutes, je me sens perdu(e), et je réalise que je ne suis jamais « à ma place », j’ai toujours l’impression d’avoir besoin de plus...
— Au delà de toute identité, de tout concept, de toute construction mentale, nous sommes le réceptacle infini de la courte aventure de notre corps et de cet ego, inquiet, exigeant, contrôlant, limité.
Il existe un état qui permet de transcender la perception du monde habituelle, à travers le filtre des perceptions de notre ego blessé et gesticulant. C’est justement cet état qui permet de passer de la convoitise éternelle de l’ego insécure et apeuré, à sa mise à disposition désintéressée à l’éveil d’autrui.
C’est lors de cette disposition précise, que nous entrons en harmonie avec « cela ». C’est à ce moment que la bouteille à la mer que nous sommes, se casse, et permet au contenu de se dissoudre dans l’océan. C’est à ce moment d’entrée en harmonie que « quelque chose » pourvoit à nos besoins. Car ces mêmes besoins comblés ne seront plus contenus ni restreints à notre ego, mais partagés, redistribués, sans entrave avec « cela ».
De la même manière qu’une feuille ne retient pas la sève que l’arbre lui donne. La feuille est l’arbre, l’arbre est la feuille, et la feuille est à la fois instrument de réception et instrument de propagation. Si la feuille avait comme nous un ego, elle aurait peur de ne pas recevoir de sève, et garderai toute la lumière du soleil pour elle, couperait la connexion avec l’arbre, et mourrait.
La plupart d’entre nous sont des feuilles mortes au pied de l’arbre, et nous nous plaignons et souffrons de cette position dont nous ne sommes conscients ni de la cause ni de la conséquence. La réintégration à l’arbre de la vie, passe par la putréfaction de cet état de séparation du tout, afin de réintégrer l’arbre que serait « la Vie », par le sol. S’en suivra un long chemin de transmutation, souterrain puis ascensionnel. Pour redevenir une feuille au service de l’arbre. Qui ne manquera plus jamais de rien.
- Par un Curieux Hasard / Stephan Schillinger©️
(Illustration : Aron Wiesenfeld)
